Molière,

au service du Roi

C'est l'histoire de la passion d'un roi pour un homme de théâtre. Louis XIV, qui pouvait, d'un battement de cil, faire ou défaire une réputation, a longtemps protégé le grand Molière

Après treize années de tournées en province, Molière regagne Paris, en 1658. Il a le bonheur de séduire Monsieur, frère du roi qui le prend sous sa protection et crée pour lui la "troupe de Monsieur". À 36 ans, Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière est enfin admis dans le cercle très fermé des troupes parisiennes dont les plus illustres sont les "Comédiens italiens", très en vogue depuis Catherine de Médicis, et ceux de "l'Hôtel de Bourgogne". Le 24 octobre 1658, au Louvre, il rencontre pour la première fois le jeune roi Louis XIV, âgé de vingt ans.

Devant son souverain, la cour au grand complet et les comédiens rivaux, Molière joue "Nicomède". L'accueil serait resté simplement poli s'il n'avait pas eu la bonne idée de terminer le spectacle par la farce du "Docteur amoureux". Louis XIV est conquis et décide d'autoriser Molière à jouer au théâtre du Petit-Bourbon, en alternance avec les comédiens italiens. L'année suivante, la "troupe de Monsieur" remporte un vif succès avec les "Précieuses ridicules", sa première grande satire des mœurs de son temps.

Deux ans plus tard, l'intendant Fouquet donne dans son magnifique château de Vaux-le-Vicomte, une de ces fêtes dont il a le secret, en l'honneur de son roi. Molière est invité pour donner une représentation de sa comédie, les "Fâcheux". La Fontaine est subjugué par ce qu'il vient de voir... Le grand fabuliste n'est pas le seul à être tombé sous le charme. Louis XIV qui s'amuse beaucoup, commence à s'intéresser de près à cet auteur pas comme les autres.

Du succès au revers

En décembre 1662, Molière, dont la troupe vient de s'installer au Palais royal, crée "L'école des femmes". C'est un nouveau succès. Le roi, enthousiasmé lui accorde mille livres de pension. Mais ces prébendes royales ne plaisent pas à tout le monde. Les "précieuses" et les "marquis" fustigés dans ses pièces, les comédiens de l'Hôtel de Bourgogne, les autres auteurs dramatiques attisés par Corneille, se liguent contre lui. Sa vie privée est même attaquée, Molière réplique dans "La Critique de l'école des femmes" et dans "L'impromptu de Versailles". Le roi ne peut qu'applaudir une telle prouesse, lui qui souhaite juguler une noblesse trop encombrante.

Dans la foulée, pour répondre au souhait du roi, Molière écrit "Le Mariage forcé ". En récompense, Louis XIV le nomme fournisseur des divertissements royaux. Du 8 au 13 mai 1664, lors des fêtes de l'île enchantée, données à Versailles, Molière présente plusieurs de ses pièces sous les yeux complices du roi. Le 12 mai, il présente "Tartuffe ou l'hypocrite", une pièce en trois actes.

C'est au moment où la fortune lui sourit, qu'il va connaître un revers cinglant. Cela fait plusieurs années qu'il veut s'attaquer aux excès des fanatiques. Ce violent réquisitoire qu'est "Tartuffe", est un brûlot que l'archevêque de Paris se doit de tuer dans l'œuf. Il arrive à influencer le roi qui, après hésitation, interdit la pièce. Molière ne peut jouer sa pièce qu'en privé. Affecté mais non découragé, Molière s'empresse d'écrire une nouvelle comédie, "Dom Juan". À nouveau, les dévots interviennent et réussissent à faire supprimer la pièce.

Le roi change d'amuseur

S'il connaît encore quelques revers, Molière crée et continue d'amuser le roi. Mais le plus grave va bientôt se produire. En 1672 il se brouille avec le musicien Lully, dont l'aura ne cesse de grandir. Le roi, qui commence à se lasser des incartades de son favori, octroie à Lully la charge de tous les spectacles avec musique et ballet. "Le malade imaginaire" est la dernière pièce de Molière qui meurt sur scène, le 17 février 1673. N'ayant pas renié son statut de comédien, il ne peut être enseveli chrétiennement. Il faut une ultime intervention de Louis XIV pour qu'on l'enterre décemment.

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